Ru: Le bouleversement intérieur

Le cinéaste Charles-Olivier Michaud fait la preuve tant de son ambition que de son talent en signant l’adapation cinématographique du renommé roman Ru de Kim Thuy (2009). Certes, le film comporte ses imperfections. Cependant, puisque plusieurs voire chacune d’entre elles sont attribuables à l’impossibilité de transposer intégralement l’ethos de l’oeuvre au grand écran, il convient de se dire que cette adaptation est presqu’aussi réussie que possible.

Comme le roman éponyme, Ru raconte l’histoire du départ forcé du Vietnam de son auteure (bien qu’elle choisisse de donner le nom de Tinh à son personnage principal) et de son arrivée au Québec à l’âge de dix ans. Ses parents, ses deux jeunes frères et elle, une fois arrivés en sol québécois, seront parrainés à Granby par les Girard, une sympathique famille estrienne. Contrairement à l’oeuvre dont il s’inspire, toutefois, le film limite son histoire aux premiers mois de la famille passés dans les Cantons de l’Est, alors que les réfugiés doit concilier la nécessité de s’adapter à ce nouvel environnement et la peine du déracinement forcé, du traumatique périple en mer et du poids des souvenirs.

Cette décision de circonscrire ainsi l’histoire s’imposait sans doute à des fins de concision, mais elle n’est pas sans conséquences. Dans le roman, la narration et les événements futurs plus heureux ont le don de rendre plus supportable la lourdeur de l’histoire racontée; le film, avec sa trame sonore bondée de contrebasse, vise et produit l’effet contraire.

Même ceux qui auraient apprécié davantage de moments légers sauront toutefois apprécier l’usage judicieux du silence comme vecteur d’intensité. Comme tous les médiums, le cinéma a des qualités qui lui sont propres et la force du silence est une pierre angulaire de ce film d’une manière inaccessible au roman.

En contrepartie, ceux qui ont lu le roman de Kim Thuy seront frappés par la plus importante limite de cette adaptation: l’absence de la narration, si cruciale dans le roman, affecte inévitablement notre expérience. On remarquera d’abord l’impact de cette différence dans la manière dont l’histoire est racontée: le film est plus circonspect que le roman en matière d’allers-retours dans le temps, mais sa première moitié confondra peut-être ceux qui verront le film sans avoir lu le livre.

De plus, les lecteurs du roman seront peut-être surpris de constater que Tinh (l’alter ego de l’auteure) parle remarquablement peu au cours du film. Dans les faits, le film s’arrime au roman sur ce point. Cependant, dans le roman, An Tinh, en tant que narratrice participante qui donne accès à tous ses songes dans une langue aussi riche que précise, crée une connexion entre le lecteur et elle impossible à dupliquer au cinéma. Le film en souffre à quelques reprises, mais jamais autant que lors de la scène, qui rate un peu sa cible, où la famille Girard chante “Le P’tit Bonheur” de Félix Leclerc pour consoler la petite Tinh.

Cela dit, cette dernière, interprétée avec justesse par la jeune Chloé Djandji, demeure un personnage émouvant, elle qui est, à son grand dam, assez vieille pour ressentir toute la douleur du déracinement mais trop jeune pour savoir l’exprimer.

Le reste de la distribution impressionne également. Patrice Robitaille et Karine Vanasse sont des valeurs sûres dans le rôle de Lisette et Normand Girard. Lisette, telle qu’incarnée par Vanasse, fait preuve d’une bonté très sobre, tamisée, informée par la conscience de ce qu’a vécu la famille vietnamienne. Son mari Normand (Robitaille) développe une relation avec Minh (le père de famille vietnmanien) empreinte de bonhomie, de générosité et d’une maladresse attendrissante.

Sans vouloir tenir pour acquise la performance de ces excellents acteurs, il importe toutefois de souligner trois autres prestations. La sublime Chantal Thuy (Nguyen, la mère de Tinh) est impeccable en tant que mère de famille qui ravale tant bien que mal sa douleur et est responsable de l’un des moments les plus forts du film: la conversation avec Tinh, où cette dernière l’interroge sur ce qu’elle voudrait pour elle-même, est à la fois d’une grande beauté et d’une tristesse inouïe. Jean Bui, qui incarne son mari à l’écran, brille par un jeu d’une force intérieure impressionnante. Il ne souffre pas moins que sa femme et, bien que ce soit elle qui prononce la maxime vietnamienne voulant que “la vie est un combat où la tristesse entraîne la défaite”, c’est lui qui l’incarne le plus efficacement. Enfin, la jeune Mali Corbeil-Gauvreau est adorable dans le rôle de la petite Johanne, fille de Lisette et de Normand, qui devient rapidement la meilleure amie de Tinh à Granby. Dans le roman, la narratrice en parle carrément comme d’un “ange”, mais les nombreux moments où le film la met en évidence sont bienvenus. À défaut de pouvoir suivre Tinh d’aussi prêt que ne le fait le roman, le film ajoute adroitement une plus-value à ces personnages.

Au-delà de mes propres réserves par rapport au film, alimentées par le fait que j’ai non seulement lu le roman mais que je l’ai aussi enseigné, force est de constater que, dans l’ensemble, cette adaptation de Michaud, en collaboration avec Kim Thuy elle-même, est réussie à plusieurs égards. Elle raconte une histoire touchante bondée de moments forts. On soulignera le doigté du film quant à la relation des “locaux” avec les immigrants; le film ne tombe ni dans les tapes sur l’épaule quant à la générosité québécoise ni dans les lamentations larmoyantes quant au sentiment d’aliénation des nouveaux arrivants. Ru est aussi intéressant sur le plan visuel et la trame sonore, quoiqu’elle eût pu bénéficier de plus de variété en matière de ton, demeure très belle. Je reste néanmoins sur ma faim en raison de l’impact de l’absence de narration lorsqu’on compare avec l’expérience de la lecture du roman. C’était inévitable, certes, mais l’expérience en est tout de même altérée. Yvon Deschamps avait célèbrement scandé que “on veut pas le savoir; on veut le voir!” Dans le cas de Ru, ce n’est pas si vrai que ça.

Mock Draft 2021

  1. Jacksonville Jaguars: Trevor Lawrence, QB, Clemson: This is the biggest no-brainer in several years. Lawrence is the best quarterback prospect to come out of college for a few years, and the Jags need him. Don’t sleep on this team if Lawrence lives up to the hype; they have a few really good elements on offence awaiting him.
  2. New York Jets: Zach Wilson, QB, BYU: Trading Sam Darnold makes it official that the Jets will draft a quarterback and, at this point, Wilson appears to be the likeliest target. He has just about every measurable you could want in a quarterback, although his status as a one-hit wonder scares me more than most, apparently, especially given the creampuff schedule he faced with his loaded BYU team.
  3. San Francisco 49ers (from Miami via Houston): Trey Lance, QB, North Dakota State: Lance needs development, but he allows the 49ers to bank on Jimmy Garoppolo for now and groom him for the future. He also offers sneaky mobility that a player like Mac Jones doesn’t have. Lots of Jones hype here, but I’ll believe it when I see it. In the meantime, I’ll keep predicting that they’ll go for a more gifted player.
  4. Denver (Trade with Atlanta): Justin Fields, QB, Ohio State: There is no way Denver can go on playing in that division with their current quarterback situation. Fields provides them with a potential franchise quarterback they haven’t had since Peyton Manning.
  5. Cincinnati Bengals: Kyle Pitts, TE, Florida: The Bengals could use an upgrade at tight end, and another exceptional receiving weapon for franchise quarterback Joe Burrow. A tackle here is a possibility, but it would be just typical of the Bengals to take it for granted that they’ll be fine with Riley Reiff at right tackle.
  6. Miami Dolphins (From Philadelphia): Ja’Marr Chase, WR, LSU: The Dolphins grab the best available player and a dominant receiver to maximize the chances of Tua Tagovailoa working out for them at quarterback. The former Alabama quarterback would now be officially out of excuses if the big plays are still lacking in his second season as a starter.
  7. Atlanta Falcons (trade with Denver): Micah Parsons, LB, Penn State: The Falcons are one of the rare teams to be set (for now) at both quarterback and receiver. There isn’t an edge rusher worth taking here, so Atlanta goes for a monster athlete at a position of need. Parsons instantly becomes the new standard setter on their defence.
  8. New England Patriots (Trade with Carolina): Mac Jones, QB, Alabama: This isn’t a New England kind of move, but it hasn’t been a New England kind of off-season. The mad rush to sign free agents suggests there is a strong “win now” impetus in Foxboro, and the current quarterback situation is now the team’s biggest handicap. Pass protection could be an issue but, otherwise, Jones gives New England the kind of cerebral quarterbacking they’ve enjoyed for so long with Tom Brady.  
  9. Detroit Lions (Trade with Denver): Jaylen Waddle, WR, Alabama: The loss of both Kenny Golladay and Marvin Jones is a major concern for a team welcoming a new quarterback with a brutal contract who’s on a redemption effort. Waddle’s game-breaking speed doesn’t necessarily match Jared Goff’s biggest strengths, but if his explosiveness doesn’t suit Goff, it’ll suit his successor.
  10. Dallas Cowboys: Patrick Surtain, CB, Alabama: The Cowboys have numerous needs on defence, but one of those needs is at cornerback, where Surtain provides immediate relief. His size, speed, and skills allow him to match the opponent’s #1 receiver. This pick makes itself.
  11. New York Giants: Penei Sewell, OT, Oregon: A generous person might say the jury is still out on last year’s first-round pick Andrew Thomas at left tackle. Whether you see hope for Thomas there or not (as is the case with this writer), Thomas is probably a better fit at guard, but could be a serviceable right tackle. Sewell, this year’s best specimen for the left tackle position, solves this quandary. This is important given that the Giants are trying to get a clearer view of what they have in quarterback Daniel Jones after spending good money on Kenny Golladay.
  12. Philadelphia Eagles: DeVonta Smith, WR, Alabama: The Eagles need help at this position something fierce and grab Smith. While there are concerns about Smith’s size and lack of bulk, he most likely provides his former Alabama teammate Jalen Hurts with a high-floor target who knows how to get open.
  13. Los Angeles Chargers: Kwity Paye, EDGE, Michigan: The Chargers have other needs, but choose Paye to prevent opponents from doubling up on their star pass rusher Joey Bosa now that Melvin Ingram is gone. Paye is the kind of versatile athlete that new coach/defensive guru Brandon Staley can put to good use.
  14. Minnesota Vikings: Christian Darrisaw, OT, Virginia Tech: Another pick that makes itself. It appears Minnesota has been plagued by inconsistency and/or lack of talent at the left tackle position between Riley Reiff’s unspectacular play to the infamously poor performance of former high draft pick Matt Khalil to Bryant McKinnie’s weight fluctuating like the stock market. Enter Darrisaw, whose Duane Brown-esque skill set gives the Vikes much-needed athleticism and stability at the position.
  15. Carolina Panthers (Trade with New England): Rashawn Slater, OT, Northwestern: Having just traded for Sam Darnold, the Panthers are now on a mission to ensure that the lack of a supporting cast isn’t the reason for him failing in Carolina. Slater adds potential star power to the team’s offensive line, whether they play him inside or at left tackle and figures to be a new favourite teammate of RB Christian McCaffrey.
  16. Arizona Cardinals: Jaycee Horn, CB, South Carolina: The Cardinals need help in several areas on their defence but the best balance of need and value at this spot is Horn, an athletic corner with a strong pedigree whose coverage skills might be the missing piece for this Cardinals’ secondary.
  17. Indianapolis (trade with Las Vegas): Jaelen Phillips, DE, Miami: As things stand, the Colts have some interesting pieces on the defensive line, but the lack the type of player who can win a one-on-one with a tackle to get to the quarterback. Phillips brings good traits as a pass rusher and a solid all-around skill set to bolster the Colts’ front seven.
  18. Miami Dolphins: Alijah Vera-Tucker, OG, USC: With this pick, the Phins add some star power on the interior of their offensive line to better protect Tua Tagovailoa. Vera-Tucker’s best fit is inside, where he has Pro Bowl potential given his capabilities as both a run and pass blocker.
  19. Washington Football Team: Sam Cosmi, OT, Texas: Cosmi’s story is similar to the Raiders’ Kolton Miller’s in more ways than one. He is an athletic, “toolsy” player who will get overdrafted based on traits. Unless a quarterback falls to them, Washington’s other big need is at left tackle after Trent Williams’ departure last year. It’s too high for him, but the Miller story will convince Washington to take a chance on him. Moreover, Cosmi gets a year to have his growing pains before Washington adds a quarterback down the road.
  20. Chicago Bears: Teven Jenkins, OT, Oklahoma State: Chicago has interesting elements, but lack a true starter-calibre right tackle, and Jenkins fits the bill. A powerful run blocker with good feet, Jenkins could become a fan favourite given how well his playing style matches the identity the team has historically fancied for itself.
  21. Las Vegas Raiders (Trade with Indianapolis): Jeremiah Owusu-Koramoah, OLB, Notre Dame: The draft’s best “Canadian Sam,” Owusu-Koramoah brings both versatility and athletic ability to a Raiders’ linebacking corps that could really use it. The Notre Dame standout is a multi-faceted player who will test a defensive coordinator’s creativity, and he gives the Raiders lots of potential options in the back end.
  22. Tennessee Titans: Greg Newsome, CB, Northwestern: A player like Caleb Farley has more upside but, after last season’s fiasco with Isaiah Wilson, the team wants its first rounder for this year to be more of a sure thing. Newsome has good tools at cornerback, and despite the team’s defensive fire sale being fully justified, those underachieving players need to be replaced. Unlike the edge rusher spot now manned by free agent signing Bud Dupree, the cornerback position needs significant reinforcements.
  23. New York Jets (From Seattle): Caleb Farley, CB, Virginia Tech: Head coach Robert Saleh’s M.O. as a defensive coordinator in San Francisco was to send numbers in pressure, at the heart of which was a fearsome front four, with a coverage unit that could hold up just long enough. In New York, he has none of those things and must start somewhere. The Farley pick is considered risky but, if it works out, gives him a top-12 talent in the twenties. He’ll take that chance.   
  24. Pittsburgh Steelers: Jalen Mayfield, OT, Michigan: Lost in the midst of the story of the Steelers’ rather impressive collapse is the decreasing quality of Pittsburgh’s offensive line play. Left tackle Alejandro Villanueva was among those who paid the price and was let go. The notion that the team can get away with moving right tackle Zach Banner to the left side is one of which I’m extremely skeptical, but should they choose to go in this direction, they could do worse than draft the young and talented Mayfield to take his place on the right side. Whichever way they do it, the Steelers must fix their offensive line.
  25. Jacksonville Jaguars (From LA Rams): Trevon Moehrig, S, TCU: The Jaguars have a number of needs, but their defence, which was a powerhouse just four years ago, is now something of a laughingstock. Perhaps the most visible example of this was Andrew Wingard, last year’s starting free safety, who was often victimized in coverage and turned out not to possess the required athleticism to play the position in the NFL. Moehrig represents good value at this pick and fills a key need for the Jaguars.
  26. Cleveland Browns: Christian Barmore, DT, Alabama: Of course, the Browns’ defensive line has talisman DE Myles Garrett and has added mercurial talent Jadaveon Clowney but, after parting ways with Sheldon Richardson and losing Larry Ogunjobi in free agency, Cleveland needs to add interior talent on its D-Line. Barmore’s quickness and disruptiveness make him a bargain in this spot.
  27. Baltimore Ravens: Azeez Ojulari, EDGE, Georgia:: The Ravens always wind up with picks like this. This time, Baltimore winds up with the draft’s twichiest, most explosive rusher, and they already have players at the edge rusher positions Ojulari can sit behind and continue to develop until he is ready to supplant them. This pick would be an absolute steal.
  28. New Orleans Saints: Jamin Davis, OLB, Kentucky: Let’s face it; the Saints are not answering their quarterback questions in this first round. What they can address is their lack of athleticism at the outside linebacker position. Davis, a size-speed demon, is just what the doctor ordered for ‘Nawlins.
  29. Green Bay Packers: Kadarius Toney, WR, Florida: Last year, we made a fuss about Green Bay not drafting receiving talent to help Aaron Rodgers. This time, they do. Toney, a shifty slot receiver who can become something like a version of Tyreek Hill (though the latter has significantly better raw speed), can help give another quality option in the receiving and could allow Green to get over the hump, finally.
  30. Buffalo Bills: Gregory Rousseau, DE, Miami: In spite of Josh Allen’s emergence last year, the Bills are a team built on defence, and they could use some reinforcement and star power at the defensive end spot. If Jerry Hughes, who’s not getting any younger, falls off a cliff and Mario Addison proves not to be quite starting material, the Bills could see their ability to get to the quarterback with four players jeopardized. No player in this entire draft scares me more than Rousseau, but the situation in Buffalo could be ideal for him, as it would give him a chance to develop behind experienced players like Hughes and Addison.
  31. Miami Dolphins (Trade with Kansas City): Najee Harris, RB, Alabama: Conventional analytical wisdom would suggest that drafting a RB in the first round isn’t good business, but between the early and the late 30s, what the difference really? A powerful back who matured tremendously in 2020, Harris a global skillset that allows him to be as close as there is to a bellcow back in 2021 while contributing to the passing game as both a blocker and a receiver.
  32. Tampa Bay Buccaneers: Joe Tryon, OLB, Washington: This figures to be a luxury pick no matter what, but considering that the Buccaneers are unlikely to get another 10 years out of Jason Pierre-Paul, they go for Tryon. An athletic player who can get to the passer, Tryon is a good fit for defensive coordinator Todd Bowles’ whimsical scheme.

Wonder Woman 1984: the origin story is still undefeated

Wonder Woman 1984 leaves me ambivalent. It certainly deserves credit, especially having been produced in these wacky COVID-19 times, for retaining some of the joy and magic of its 2017 predecessor. On the other hand, it attempts to be too many things at once and, in the process, accumulates enough missteps to be something of a missed opportunity.

Photo: cnet.com

The screenwriter-lead actress duo of Patty Jenkins and Gal Gadot returns for the highly anticipated sequel to Wonder Woman, which, if you haven’t seen it, do yourself a favour and watch it today because, well, spoilers ahead. We rejoin Gadot’s Diana Prince in Washington D.C. circa 1984. Diana, still very much sullen over the loss of her great love Steve Trevor (Chris Pine) at the end of the first film, now works at the Smithsonian Museum. (One wonders if she’s been working there all this time; surely a veteran employee or two who would have noticed that she’s been working there forever yet looks as though she hasn’t aged a day.) In quick succession, she meets a bland, nerdy, clumsy colleague named Barbara (Kristen Wiig) and wannabe oligarch Maxwell Lord (Pedro Pascal). She connects instantly with Barbara and is instantaneously suspicious of Lord, but her link to both of them changes fundamentally when they come into contact with a mysterious wish-granting stone.

Of course, Diana gets a chance to make a wish of her own and brings Steve back to life, sort of. Re-enter Chris Pine, whose Steve Trevor once again embodies an earnest, best-of-the-regular-Joes kind of heroism. In the rare moments when it interacts meaningfully with the time period in which it takes place, the movie has a lot of fun showing us a playfully bewildered Steve acclimating to his new surroundings. In the meantime, however, Maxwell Lord’s wish has come true, and it is granting him limitless power at the price of global chaos, which would be a problem at any time, but especially during the Cold War.

There is potential here and several bright spots. My thoughts on Gadot from the first film have not changed. She is perfectly cast. Obviously, her spellbinding beauty makes her presence on screen consistently agreeable, but playing the Wonder Woman character the way she does requires threading a number of needles, a feat which not every actress could pull off. As written by Jenkins, she is not only a badass, but a walking utopia. In addition to being powerful, fierce and principled, through Gadot’s performance, she is simply radiant with kindness. It’s that humanity that connects her to the noble Trevor, and helps establish Gadot’s once again delightful chemistry with Chris Pine. At first, I was taken aback by the fact that Diana hasn’t recovered from Steve’s death after all this time but, as soon as he returned, I understood. She can’t see herself being with anyone else, and neither can we.

Whether these unquestionable positives are enough to make the film worth seeing depends on the viewer, as evidenced by the reviews, which have been as ambivalent as mine in the best of cases. As much as I credit Gadot for doing everything she can here, I cannot say the same of Jenkins. Despite the movie being too long, it tries to tackle too many subjects and does nearly all of them a disservice. There are some attempts at political commentary here (a wall that materializes in Egypt and cuts off Cairo’s poorest citizens from their water supply was especially on the nose), but the film is in too much of a hurry to expand on its political points or to develop its characters. I found Jenkins made a tactical error by including both Barbara and Maxwell Lord as villains. Aside from the fact that it humanizes Lord in a way that purists will not appreciate, WW 1984 doesn’t have time for the both of them and renders them somewhat interchangeable. Neither one is bad per se, but both see the power granted to them by the stone as a means of overcoming their inadequacies, even if the entire world crumbles around them. In (probably) an unintended way, the movie’s most effective political point is a Socratic one that has to do with the origins of tyranny: the lack of love and acknowledgement from others. Barbara would like to go from nerdy and unnoticed to sexy and popular, while Maxwell wants to go from failing businessman to all-powerful oil baron (something tells me his business won’t keep its legal corporate status as a coop for too long). In this regard, the movie is quite the waste of Barbara’s potential, and of what she becomes by the end of the film.

Then, there’s the misleading title. I must confess that I’m more drawn to the first World War than to the eighties, but preferences aside, the first film of the series does a much better job at exploiting the epoch in which it is set than this one. The film’s flashy first sequence aside, which takes place in a classic 80s-style mall, WW 1984 does very little to explain why the fact that it is set in 1984 matters. It’s already bad enough that the time period seems less meaningful by comparison: Jenkins and Gadot’s first Wonder Woman inserts Diana at the heart of World War I; this one has her making sense of her existence amid… American consumerist bliss. Only during a global pandemic could a blockbuster hope to fill its viewers with nostalgia at the sight of a shopping mall. I found myself wondering what happened to the 80s’ music, and the question became especially salient given that, the main theme aside, this is not one of the great Hans Zimmer’s best soundtracks. In fact, the film’s most powerful emotional moment relies on John Murphy’s Sunshine Adagio in D Minor, although to be fair, the scene in question packs quite the wallop.

Even Pine’s return, while welcome, seems like a contrivance, and the film struggles to figure out what to do with him. Yes, Pine is a likable screen presence. Steve Trevor is a good man and very much a hero at heart; he is Diana’s rock. His love and admiration for her are touching. The problem? We’ve seen that movie before. And this brings me back to a theory of mine about superhero movies, and what so often damns their sequels: the theory of the origin story supremacy. Here it goes: when you set out to make a superhero series, the origin story, provided you get it right, is the easiest to pull off. Get a likeable lead and a decent script and you’re almost guaranteed success because the point of the story is to get to know the hero. It becomes more problematic, however, when you get to the sequels. We know the hero at that point, and while we can still love who they are and root for them, they are not new anymore. Therefore, the uniqueness and the novelty in the sequels have to come from the villain. While I disagree with most people about The Dark Knight being the best of Christopher Nolan’s Batman trilogy (Batman Begins, the origin story, remains my favourite), it’s undeniable that he hit the ever-elusive bull’s eye with Heath Ledger’s anarchist take on The Joker. I doubt either of the two villains here had even remotely this sort of potential but, by insisting on featuring them both, WW 1984 never gives itself the chance to flesh a single one out.

In the end, there is a lot to like and to dislike here, and I can’t help but think that whether or not I’d recommend the movie boils down to the following question: is the sight of Gal Gadot being Wonder Woman and doing Wonder Woman things enough to invest two-and-a-half hours of your time on what is otherwise a deeply flawed movie? For me, for obvious reasons, the answer is yes… just barely. However, I suspect that, for many, Gadot’s talent and beauty won’t quite do it. Once again, the origin story reigns supreme.

L’après-novembre

Si la tendance se maintient, nous vivons actuellement les deux derniers mois de la présidence de Donald Trump. Cela dit, tous ceux qui évitent de célébrer trop rapidement ont bien raison d’être circonspects dans leurs élans joyeux parce que, pour Joe Biden, aller chercher les 270 grands électeurs requis pour réclamer la présidence de droit aura été la partie facile. Trump sera Trump jusqu’au bout, surtout à la lumière du sort peu enviable qui l’attend en toute vraisemblance dès le moment où il ne sera plus protégé par les privilèges présidentiels. Ce qui suivra sera fort probablement très laid et exacerbera sans doute les tensions entre les supporters et les détracteurs de Trump. Quoiqu’il arrive, toutefois, il importe de faire une autopsie des quatre dernières années de présidence américaine pour que les choses puissent aller mieux.

Il n’y a aucun doute que la présidence de Trump ne saurait se terminer trop tôt, mais la question qui reste entière est celle de la pérennité de son héritage. Même s’il devait partir, même si les autorités devaient le trainer hors de la Maison blanche par la tignasse greffée, l’ultime legs de Trump pourrait être les précédents qu’il a créés, parce que nous pouvons en être certains : des individus aux pulsions autoritaristes, aux États-Unis et ailleurs, ont pris des notes. Il importe donc, je pense, d’identifier ces précédents afin de pouvoir reconnaitre les mécréants qui oseront faire campagne en employant le modus operandi trumpiste.

Kakistocratie

Nous parlerons de la relation inexistante de Trump avec la vérité sous peu mais, à mon sens, l’élément le plus condamnable de sa présidence sera toujours la kakistocratie qu’il a consacrée. Qu’est-ce qu’une kakistocratie? En gros, c’est le gouvernement des pires personnes, des plus médiocres. Il va sans dire que cette description va à Trump comme un gant. Toutefois, l’impact d’une kakistocratie, et cet effet est inévitable, c’est qu’elle incite tous ses citoyens à être la pire version d’eux-mêmes dans leurs rapports entre eux. Quiconque n’observe pas cela aux États-Unis depuis un moment ne se concentre pas véritablement sur le pays et, pour ceux qui penchaient déjà dans cette direction, Trump aura été un remarquable facilitateur.

L’un des gouffres les plus importants entre les admirateurs de Trump et ses détracteurs est sans contredit la perception qu’ont ces deux groupes des défauts de l’homme. Chez les pourfendeurs du 45ème président, ses défauts ne font pas que crever les yeux; ils sont instantanément disqualifiants pour toute personne aspirant à la présidence. Pour ceux qui le soutiennent, toutefois, ses défauts sont l’exacte chose qui le rend attirant. L’historien et professeur à Yale Tim Snyder disait, après l’élection de Trump en 2016, que cet événement a choqué presque tout le monde sauf, entre autres, les étudiants de la tyrannie. J’ai envie d’ajouter que le fait que Trump soit aimé de ses supporters pour ses défauts ne devrait surprendre personne qui travaille dans une école secondaire. La vue de la méchanceté dont font preuve les adolescents les uns avec les autres devrait rappeler à tout le monde qu’il y a un côté galvanisant à céder à ses plus basses pulsions, lesquelles impliquent souvent une part de violence, de manière à rendre la vie de l’autre misérable. Trump est un fantasme pour beaucoup de ceux qui l’appuient, car nous sommes là devant un homme qui refuse véritablement le moindre décorum, la moindre contrainte. La liste de ses bassesses est trop longue pour qu’on les énumère toutes, mais les détracteurs de « The Donald » semblent complètement incapables de considérer le charme de cet idéal, particulièrement chez les gens frustrés de l’empirement de leurs conditions de vie.

Si les télé-réalités qui se passent dans des destinations-vacances pittoresques et les émissions de type « Vie de stars » peuvent faire rêver ces gens-là, imaginez l’idée de celui qui vit sans contrainte. Imaginez l’attrait de pouvoir faire ce qu’on veut, à défaut d’être restreint par la moindre entité ou la moindre norme : pouvoir carburer à la malbouffe, pouvoir commettre des inconduites sexuelles et s’en vanter, pouvoir raconter n’importe quelle fausseté, pouvoir se rendre coupable du népotisme et de la corruption les plus élémentaires, pouvoir se servir de la présidence afin de mousser sa marque de commerce et j’en passe. En ce sens, ceux qui le comparent à un enfant ont entièrement raison. Cet homme semble avoir vécu sa vie entière sans avoir appris la leçon centrale de l’enfance : le monde ne tourne pas autour de notre personne. Force est de constater que les gens défendront cela dans la mesure où le politicien en question les dédouane dans leur désir de se laisser gouverner par leurs frustrations et leur dit qu’il est acceptable de rechercher des boucs émissaires pour expliquer ses problèmes. En d’autres termes, la médiocrité, la méfiance systématique, l’absence de la moindre réelle introspection, toutes des caractéristiques de Trump. Il aura, ne serait-ce qu’un peu, refait l’Amérique à son image et l’aura laissée mûre pour le prochain autocrate, celui qui serait plus intelligent et moins bien intentionné. La recette est là et tout le monde sait maintenant qu’un nombre sidérant d’Américains sont prêts à suivre loin, très loin, celui qui offre des (semblants de) solutions simplistes à leurs problèmes complexes.

« Bullshitting »

Je sais, elle est facile, celle-là. En revanche, l’importance de ne pas normaliser les mensonges de Trump, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, est cruciale voire existentielle. Une des défenses les plus communes et les plus paresseuses de Trump par ses supporters veut que tous les politiciens mentent. De prime abord, c’est vrai. En revanche, le fait d’en rester là constitue une analyse grossièrement simpliste du numéro 45. Oui, tous les politiciens mentent, parfois, je l’ajoute, pour des raisons légitimes. Toutefois, pour quiconque s’attarde à l’examen des faits avec un quelconque sérieux, il est évident que Trump a créé sa propre catégorie en ce qui a trait au mensonge.

D’une part, la nature de ses non-vérités est perturbante. En fait, le mot « mensonge » ne convient pas vraiment pour décrire ses faussetés. Le philosophe américain Harry Frankfurt décrit, dans son livre On Bullshit, la différence entre mentir et « bullshitter » (verbe à l’infintif). La personne qui ment est consciente de la mosaïque des faits qui constituent la vérité et tente d’y insérer la fausseté qu’elle souhaite faire avaler à son interlocuteur. Pour ce faire, elle doit donc tenir compte de considérations élémentaires de vraisemblance, faute de quoi, le mensonge est exposé facilement. Par exemple, si vous vous levez trop tard un matin et que vous dites à votre patron que vous serez en retard en raison du trafic, vous mentez. Le trafic n’est pas la raison de votre retard, mais il pourrait l’être. Le patron n’a pas vraiment la possibilité de vérifier la véracité de votre affirmation qui est, bien que mensongère, plausible. C’est donc là un mensonge en bonne et due forme. En contraste, celui qui bullshitte ne se soucie aucunement de la crédibilité lorsqu’il raconte ses niaiseries. Il dira une chose et son contraire sur une base quasi-constante. Ici, contrairement au mensonge, nous ne sommes pas devant un subterfuge, mais devant une tentative d’abrutissement de l’esprit, ce qui me mène à l’autre aspect préoccupant du rapport trouble de Trump à la vérité.

D’autre part, en effet, le rythme effréné auquel Trump balance des non-vérités est apeurant. C’est une condition sine qua non d’avoir la capacité à bullshitter. Il faut répandre tellement de faussetés à une vitesse si rapide qu’il est impossible de vérifier chacune d’entre elles parce que l’une n’attend pas l’autre. On en vient à être désorienté, et c’est un peu cela, le but. Nul besoin d’être Jung, Freud ou Jacques Lacan pour voir comment cette idée s’applique à Trump. Le mec semble bullshitter à un degré qui frise la confabulation. Il raconte souvent du n’importe quoi à l’état pur. Le philosophe et neuroscientifique Sam Harris m’avait fait rire lorsqu’il avait comparé le processus par lequel Trump forme ses phrases à un ballon qui se dégonfle en volant chaotiquement un peu partout dans la pièce. Et comme Trump ne peut jamais avouer avoir tort, il doit défendre la plus récente niaiserie qu’il a proférée jusqu’à ce que la prochaine niaiserie, qui contredira la précédente, l’en empêche. Et soudainement, oubliez la niaiserie précédente, car il fera comme s’il ne l’avait jamais prononcée.

L’inconvénient est le suivant : on a l’habitude de voir ce genre d’individu finir au fond d’un lac avec un poids autour des chevilles après avoir floué les mauvaises personnes mais, lorsqu’un tel escroc devient président, c’est de mauvais augure. Il est difficile voire impossible de ne pas normaliser une telle conduite étant donné que les médias sont un peu obligés, puisqu’on parle quand même du président, de couvrir ses discours et de les décortiquer. À la longue, notre capacité à l’outrage se trouve engourdie par le caractère répétitif de ses conférences de presse et interviews au cours desquelles il bullshitte toujours aussi compulsivement. Mentionnons que cela serait vrai avant même que l’on mentionne son compte Twitter qui… eh bien… vous savez. Un monde où ce genre de comportement devient normal est en un où un réel autocrate peut prospérer et cela devrait nous faire réfléchir.

Le personnage de fiction comme président

Lors du mandat de Trump, il a beaucoup été question du rôle de la Russie dans son élection. Faire la lumière complète sur cette affaire semble pratiquement impossible et il y a fort à parier qu’en ce qui concerne le vote lui-même, les Démocrates utilisent les Russes comme bouc émissaire pour justifier leur lamentable échec de 2016.

En revanche, dire que les Russes n’ont joué aucun rôle dans son élection serait faux également. La quantité impressionnante de fiction que produit Trump lorsqu’il prononce des discours ou qu’il est interviewé masque le fait que la fiction la plus importante autour du personnage est le personnage lui-même. Selon ce qu’on sait, et on en saurait davantage s’il avait accepté de rendre publiques ses déclarations d’impôt, Donald Trump, l’homme d’affaire accompli, n’existe pas. Au contraire, l’histoire de Trump l’homme d’affaire est une collection à la fois impressionnante et déprimante de récits d’échecs spectaculaires, celle d’un homme qui devait des millions de dollars à des douzaines de banques, dont la cote de crédit est atroce, dont les multiples faillites d’entreprises sont de notoriété publique. Trump a été secouru par une série de contrats de licence qui impliquaient des sources de liquidités russes. L’infusion d’argent russe a permis à Trump, au cours des années 1990 et 2000, de jouer le rôle de l’homme d’affaires accompli à la télévision. C’est cette fiction qui a été vendue aux Américains et c’est elle, et non l’homme lui-même, que le système américain a élu à la présidence.

La plus importante contribution des Russes, à mon sens, est donc là. La plupart des experts sont d’accord quant à l’idée que la Russie, bien qu’elle ait clairement mené une cyber-guerre aux États-Unis sur internet et sur les médias sociaux, n’a pas fait autant de dégâts avec ses « fake news » que les Américains eux-mêmes. Toutefois, ils ont clairement permis la création d’un personnage de fiction qu’ils ont ensuite appuyé non seulement lors de l’élection présidentielle de 2016, mais lors des primaires républicaines. C’est la raison pour laquelle il importe qu’une enquête rigoureuse soit menée sur chaque candidat aux primaires, et ce, pour les deux partis. Lorsqu’il y a anguille sous roche quant à l’origine de la fortune d’un(e) candidat(e), il vaudrait sans doute la peine que l’on fouille afin de trouver des traces d’aide de sources étrangères. Il est probable que les Russes tentent leur chance à nouveau et que d’autres entités se joignent à la fête, tant pour les élections américaines que dans d’autres pays.

Politique de l’éternité et corruption

L’expression « politique de l’éternité » vient de l’historien Tim Snyder, qui s’en sert pour décrire l’état d’esprit créé par un régime politique qui rend impossible un avenir meilleur. Un tel régime n’a pas de vision d’avenir à proposer à sa population, alors comment évite-t-il d’être évincé? D’une part, en proposant plutôt une vision idéalisée du passé. Dans le cas de Trump, cette intention est manifeste dans son slogan de campagne « Make America Great Again » et dans son mantra d’« America First ». Quand l’Amérique était-elle grande? On pourrait aisément accepter que les Américains souhaitent un retour aux années 50-60-70, où les idées keynésiennes et l’acte Glass-Stegall ont assuré aux États-Unis une prospérité sans précédent. Cela dit, comme le fait remarquer Snyder, la combinaison de « Make America Great Again » et d’ « America First » suggère que la prétendue grandeur qu’évoque Trump serait plutôt celle des années 1930, époque d’isolationnisme pour le pays et de la montée des grandes dictatures ailleurs dans le monde. Quand on s’attarde au contenu, la proposition n’est pas attirante, mais bien présentée, c’est très vendeur.

D’autre part, on mettra l’accent sur un élément extérieur menaçant. Certes, se dira-t-on, le gouvernement ne peut rien faire pour améliorer les conditions de vie du peuple, mais faire ce qu’il faut pour vaincre un sinistre envahisseur, ça, il le peut. Le « grand leader » n’a pas le pouvoir de sortir les gens de la misère, mais il peut leur donner un sentiment de fierté en repoussant la menace d’une entité qui conteste les valeurs du pays. Ça, il le peut. On revient à la kakistocratie. À défaut d’améliorer tangiblement le sort des gens, on leur donne leur dose d’intensité haineuse et cela fonctionne toujours. On accuse les médias d’être à la solde de l’envahisseur pour des raisons idéologiques et/ou financières. Regardez simplement ce discours, issu de la populaire émission Peaky Blinders, prononcé par (la version fictive d’) Oswald Mosley. Le tout me fait frémir à chaque fois, mais remarquez que tous les ingrédients y sont : référence et promesse de retour à un passé glorieux, identification d’une cabale nébuleuse qui manigance la ruine des bonnes gens afin de s’enrichir sur leur dos, complainte à propos des « fake news », promesse d’être véritablement à l’écoute des gens et de leurs préoccupations, protectionnisme pour contrer les effets de la mondialisation, etc. Dans les faits, comment s’y prendrait Mosley? Il ne le dit jamais, bien sûr.

Et pourtant, si vous croyez que je brosse ici un portrait caricatural, détrompez-vous. Regardez notamment les gens dont Trump s’est entouré au sein de son administration de départ, avant que plusieurs d’entre eux aient dû abdiquer leur rôle pour diverses raison peu édifiantes. Il est sidérant de voir combien d’entre eux ont des connexions à toute fin pratique plus significatives à la Russie qu’aux États-Unis. Carter Page a avoué au Congrès qu’il avait tenté d’aider les Russes à influencer la campagne de Trump. George Papadopoulos a plaidé coupable d’avoir menti au FBI à propos de ses liens d’affaires avec la Russie. Michael Flynn a reçu de l’argent de la part du centre de propagande russe RT et a dû démissionner. Ces trois individus faisaient partie de l’équipe responsable de produire la politique étrangère de l’Administration Trump. Le secrétaire d’état Rex Tillerson a reçu la médaille de l’Ordre de l’Amitié russe de la part de Vladimir Putin lui-même.

Son équipe de campagne ne fait pas meilleure figure. Paul Manafort, qui a été inculpé pour complot contre les États-Unis, en plus d’être secouriste en série de dictateurs, a reçu des millions de dollars pour rendre la démocratie américaine plus vulnérable à l’influence russe. Lorsqu’il quitte et que Steve Bannon entre en scène, le monde apprend à connaître un homme qui admire la Russie sur le plan idéologique parce que, dit-il, la Russie croit au principe de souveraineté. (Ce qui est soit signe de mauvaise foi crasse ou de naïveté; la Russie affectionne sa propre souveraineté, certes, mais pas celle des États-Unis.) Et il est tout de même singulier que Bannon ait donné une plateforme au sein de l’entreprise médiatique Breitbart à des individus comme Richard Spencer ou Matthew Heimbach, qui voient la Russie comme un modèle à suivre pour les États-Unis (notamment en raison du suprémacisme blanc qui règne au sein du pays).

On peut aussi mentionner le népotisme complètement surréaliste qu’il faut pour avoir le front de nommer ses enfants et leurs conjoints à des positions d’influence au sein de son administration de manière à leur permettre de mousser leur marque et leurs finances. A-t-on besoin de rappeler à quel point chacun d’entre eux sans exception, particulièrement l’ignoble Jared Kushner, mari d’Ivanka Trump, qui a elle-même usé de l’influence de son père pour donner de la visibilité à sa nouvelle ligne de bijoux et au livre qu’elle a publié au cours du mandat de son père, se sont révélés incompétents pour le poste qu’on leur avait attribué?

Quel motif auraient eu les Russes de vouloir s’impliquer ainsi dans la politique américaine? Comme le dit Snyder, la Russie étant une oligarchie, elle n’a pas de moyen de se rendre plus forte. Ce qui est à sa portée, en revanche, est d’affaiblir le reste du monde et de le remodeler à son image. Elle ne croyait probablement jamais si bien réussir.

Lacunes personnelles

On connait tous les péchés dont on accuse Donald Trump : racisme, sexisme, xénophobie, autoritarisme. C’est ici que certains le défendent en citant la mauvaise foi, notamment, des « médias de masse ». Il est vrai que Trump a parfois été traité injustement par les médias. Beaucoup plus souvent, en revanche, il a été traité trop équitablement et évalué en vertu d’une courbe pour pratiquement tout élément substantiel.

Trump est-il raciste, sexiste, xénophobe, autoritariste? Dans un sens primaire, oui, ne serait-ce que parce qu’il a agit comme s’il l’était. Hormis son sexisme indiscutable, toutefois, je m’interroge. Pensait-il vraiment ce qu’il disait sur les Mexicains, les noirs, les musulmans? J’ai mes doutes, pas parce que je pense qu’il est une meilleure personne que cela, mais parce qu’il est pire de par son manque d’envergure.

Comment pourrait-il être pire? Essentiellement, le tout part de son narcissisme. Raciste, le président? Cela impliquerait qu’il puisse se soucier suffisamment d’une personne autre que lui-même pour la détester en raison de sa couleur de peau. Xénophobe, Trump? S’il avait l’occasion d’engager du cheap labour illégalement arrivé aux États-Unis, il engagerait ces travailleurs en deux temps, trois mouvements en se félicitant d’avoir fait un bon coup d’affaires. Autoritariste, le 45ème président? Cette question est sans doute plus compliquée. Comme le faisait remarquer l’excellente journaliste russo-américaine Masha Gessen, Trump a mené une campagne d’autocrate en 2016. Toutefois, même si l’on se plaît souvent à dire que la dictature est facile et que la démocratie est difficile, il n’en demeure pas moins que l’administration d’un régime totalitaire exige des efforts considérables, notamment en matière de répression. Qui pense vraiment que Trump a les capacités intellectuelles et l’intérêt pour cela? Comme le disait éloquemment le journaliste Matt Taibbi, on confierait à Trump la charge de gérer une dictature et, 10 minutes après le début de la première réunion, il serait mort d’ennui, quitterait la salle et se glisserait dans une robe de chambre pour se regarder dans de vieux épisodes de The Apprentice en dévorant un cheeseburger. L’homme ne montre ni la durée d’attention ni l’intérêt pour présider un régime totalitaire, même s’il ne s’oppose probablement pas au totalitarisme pour des motifs moraux ou éthiques.

Donc, l’un des plus importants mystères en ce qui concerne Trump est celui de déterminer s’il est un autocrate, comme le suggèrent Tim Snyder et Masha Gessen ou un vendeur, un « snake oil salesman », comme le font valoir Taibbi et l’historien écossais Niall Ferguson, qui argumente plutôt que Trump est un populiste typique du monde politique américain de la fin du XIXème siècle. J’ai du mal à me faire une tête là-dessus. Quoi qu’il en soit, son esprit est trop paresseux et fonctionne de manière trop chaotique pour être efficace. Ce qui est préoccupant, cela dit, surtout si l’on se fie au livre A Higher Loyalty de l’ancien directeur du FBI James Comey, c’est de voir que Trump réfléchit à ses rapports avec les institutions américaines comme le ferait un patron mafieux, exigeant la loyauté de la tête dirigeante d’organismes qui doivent maintenir une distance avec la présidence.

Le déluge à venir?

Même si Joe Biden devient président, il sera à la tête d’un pays qui n’a pas été aussi polarisé depuis la Guerre civile. Il cherchera à panser les plaies autant que possible, mais ce sera difficile avec une Alt-droite amère de la défaite de Trump et convaincue de la complicité de Biden avec la gauche radicale, et une gauche radicale qui croit qu’entre lui et Trump, c’est blanc bonnet, bonnet blanc et qui semble déterminée à exacerber les tensions sociales du pays au nom du respect des droits des minorités. Si Biden devient président et qu’il arrive à nettoyer le dégât de Trump, c’est-à-dire qu’il trouve le temps et l’énergie de refroidir les esprits et de restaurer ne serait-ce qu’un peu le sentiment d’unité qui a déjà habité le pays, il sera l’un des présidents les plus importants de l’histoire des États-Unis. Personne ne retient son souffle.

Seconde lettre au Ministre Roberge

Monsieur le Ministre Roberge,

Je repensais récemment au moment où le Premier Ministre a annoncé qu’il entendait permettre que le sport scolaire reprenne plus tôt que vous ne l’aviez prévu, faisant passer la date de début des activités du 1er octobre au 14 septembre. Il avait même qualifié cette décision de « risque calculé ».

Ma question est la suivante : M. Legault était-il sincère?

Je la pose parce qu’à la vue de votre nouvelle directive empêchant une équipe sportive scolaire de prendre part aux compétitions prévues à son horaire tant que son école en question se trouve sur la liste gouvernementale d’établissements scolaires où l’on recense un cas de COVID-19, elle me semble pertinente.

Le milieu du coaching partage votre souci de la sécurité de nos jeunes. C’est la raison pour laquelle nous œuvrons de manière à rendre la pratique du sport la plus sécuritaire possible en cette période de pandémie. Toutefois, à mes yeux (sans parler, j’ose le croire, de la majorité de la communauté des entraîneurs sportifs du Québec), cette directive n’est pas le genre de mesure que prend un gouvernement qui est prêt à donner une chance à ses jeunes étudiants-athlètes de pratiquer leur sport et n’est pas conséquente étant donné les conditions dans lesquelles on demande à nos jeunes de suivre leurs cours.

Rappelons d’abord qu’après la permission de reprendre graduellement les sports extérieurs en juin (avec déclaration à l’appui de votre collègue Isabelle Charest à l’effet que les jeunes ont besoin de bouger), vous avez attendu jusqu’à la rentrée pour interdire la pratique des activités sportives scolaires jusqu’au premier octobre. Ensuite, M. Legault s’en est mêlé et a réduit de moitié le délai d’attente, mais vous nous arrivez maintenant avec cette nouvelle directive qui a toutes les allures d’une interdiction par la bande de prendre part à nos compétitions.

Laissons un instant de côté la montagne russe émotive que vous faites vivre inutilement aux jeunes et aux intervenants. Laissons aussi de côté le « deux poids, deux mesures » flagrant que vous vous entêtez à maintenir, pour des raisons que vous évitez scrupuleusement d’énoncer, en permettant au sport associatif de poursuivre ses activités tout en mettant bâton après bâton dans les roues du sport scolaire. Concentrons-nous plutôt sur le fait que, même si l’on tolère la zone des prises mouvante que constituent les critères auxquels vous dites vous fier pour décider du sort du sport scolaire cet automne, cette directive ne tient pas la route.

Les sports sont-ils sans risque sur le plan du COVID? On s’imagine que non, mais il est quand même frappant d’observer le contraste entre l’attitude de votre gouvernement en ce qui a trait au déroulement des cours en classe et quant au sport. Considérons, par exemple, le fait que vous permettez, tant qu’il y ait deux mètres entre le professeur et la première rangée de bureaux en classe, que personne (ni le professeur ni les élèves) ne porte le masque dans une classe bondée et somme toute peu aérée. Voilà qui va à l’encontre de ce qu’il y a de plus élémentaire comme considérations de sécurité dans le contexte de cette pandémie. L’idée qu’un sport qui se pratique dehors à l’air libre représente un plus grand danger de contracter le virus que des cours suivis dans un contexte classique fait pour le moins sourciller. On tolère que les défis logistiques du fait de repenser notre manière de dispenser l’enseignement en classe aient raison de nos soucis de sécurité, mais la pratique d’un sport extérieur où les entraîneurs et autres intervenants ont repensé leurs éducatifs en fonction du respect des consignes sanitaires serait trop risquée? Et comment justifier, en vertu de ce même souci de sécurité, le fait de n’imposer aucune contrainte semblable au sport associatif, sachant que les équipes civiles sont composées de jeunes de plusieurs écoles et qu’en cas d’éclosion, le point de départ serait nettement plus ardu à cerner? Le tout n’a simplement aucun sens.

À la lumière de cela, la gestion de ce dossier par votre gouvernement ne fait pas que s’apparenter à de l’improvisation et trahir une profonde incohérence; elle est carrément cruelle. Nos jeunes s’investissent émotivement dans le sport comme dans peu de choses et souffriraient déjà beaucoup de ne pas pouvoir le pratiquer sans que ne s’ajoute à cela leur difficulté à suivre la logique de vos volte-face multiples. L’objectif d’assurer leur sécurité est louable, mais c’est une manière bien singulière de le faire que de les forcer à suivre leurs cours dans les conditions actuelles tout en imposant des restrictions aussi importantes et démoralisantes à la pratique de leur sport. Personne ne revendique le droit de disputer sa saison à n’importe quel prix, mais si vous partagez véritablement la vision du risque calculé énoncée par le Premier Ministre, permettez aux équipes sportives dont l’école recense un cas de COVID-19 de continuer à prendre part à ses compétitions pour autant que la personne affectée ne fasse pas partie de l’équipe. Une jeunesse entière, leurs entraîneurs et leurs parents en seraient reconnaissants, à vous et à votre gouvernement. Il n’est pas trop tard.

Sincères salutations,

Alexandre Turp

Entraîneur de football scolaire

Lettre au ministre Roberge

J’enverrai aujourd’hui cette lettre aux adresses courriel du ministre Roberge en lien avec la mise sur glace des sports interscolaires.

M. le ministre Roberge,

Je vous écris cette lettre en mon nom seulement, mais je soupçonne que je pourrais parler pour beaucoup de mes collègues entraîneurs.

La décision de votre ministère d’interdire la pratique des sports scolaires jusqu’au 1er octobre ne tient tout simplement pas la route, affectera inutilement les étudiants-athlètes du Québec et la santé des programmes sportifs de nos écoles. Je soupçonne que plusieurs vous auront déjà mis au fait des impacts négatifs du fait de priver nos jeunes athlètes de leur sport mais, de toute évidence, certains rappels sont nécessaires.

Dans certains milieux, le lien entre pratique sportive et persévérance scolaire n’est plus à établir. Plusieurs jeunes, notamment les garçons, s’accrochent à l’école grâce au sport. À défaut de pouvoir s’adonner à cette compétition, certains quitteraient l’école et plusieurs autres réussiraient nettement moins bien leurs études. Pour plusieurs de mes amis entraîneurs, à leur tâche de nature purement sportive s’ajoute un volet de travail social qui transforme pour le mieux la vie de nombreux athlètes sous leur charge. Chaque jour, le sport protège des jeunes de mauvaises influences qui les mèneraient autrement à de mauvais choix de vie. Chaque jour, le sport donne à des jeunes qui se croient limités par des circonstances moins qu’idéales une arène dans laquelle les transcender. Il faut se rendre coupable d’aveuglement volontaire pour ne pas voir les bénéfices du sport sur le développement et la santé mentale de nos jeunes. En plus, étant donné le confinement qui a forcé les Québécois à passer une partie de leur hiver et leur printemps cloîtrés chez eux, le contact humain et l’activité physique intrinsèques au sport font aux jeunes le plus grand des biens.

Alors, pourquoi cette décision? Je ne vois qu’une raison possible : la santé de nos jeunes. Eh bien, parlons-en de la santé. L’interdiction des sports interscolaires trahit une inconséquence de la part de votre gouvernement en ce qui a trait aux risques que vous acceptez de faire courir aux Québécois, notamment aux jeunes.

D’une part, vous forcez leur retour à l’école dans des conditions qui semblent plus hasardeuses que n’importe quel entraînement ou match de sport à l’extérieur. Locaux bondés de nombreux élèves (souvent plus de 30), ni masque obligatoire ni distanciation sociale entre les élèves en classe, la nécessité semble vous imposer la conclusion que ce risque est acceptable. De plus, une lecture furtive des médias québécois permet de savoir que plusieurs écoles du Québec frisent l’insalubrité (sans compter le fait que, dans plusieurs de ces établissements, la qualité de la ventilation, élément dont l’importance pour éviter la transmission de la Covid-19 revient de plus en plus souvent, reste à prouver). Le fait d’exiger de nos étudiants qu’ils suivent des cours (et que leurs professeurs les donnent) dans de telles conditions est une curieuse façon de se préoccuper de leur santé. Si vous avez entre les mains des études montrant que le sport sur un vaste terrain extérieur serait malgré tout plus dangereux que le fait d’étudier dans ces conditions, merci de les rendre publiques. Et je vous épargne le long éditorial sur l’illogisme de refuser à nos jeunes de pratiquer leur sport alors que votre gouvernement insiste pour permettre aux bars de rester ouverts, donnant ainsi l’occasion à une quantité inouïe de cégépiens et d’universitaires de contracter le virus, nonobstant les restrictions qu’impose votre gouvernement aux propriétaires de ces établissements.

D’autre part, soyez-en assuré, si vous interdisez la pratique des sports interscolaires, vous n’empêcherez pas les jeunes de pratiquer leur sport, mais seulement de le pratiquer en représentant leur école et en tirant profit des infrastructures scolaires. Je me permets de citer l’exemple de mon sport, le football. À certains endroits en province, on travaille sur des ligues ad-hoc. À Montréal, le football civil a repris ses activités sans la moindre réaction de votre ministère et il y a fort à parier que plusieurs joueurs qui ne pourront disputer la prochaine saison avec leur équipe scolaire choisiront plutôt le football civil. Pourquoi préjudicier ainsi le sport scolaire alors que la consolidation études-sports ne se fait mieux nulle part ailleurs qu’à l’école? Pour faire un parallèle avec notre droit, dans les faits, le lien rationnel entre l’annulation du sport interscolaire en automne et la visée d’assurer la sécurité des jeunes fait défaut.

Peut-être vous interrogez-vous sur les raisons de la forte réaction à votre annonce. Elle n’émane pas du refus de l’impossibilité de ne pouvoir disputer la saison d’automne 2020; nous y pensons depuis le début du confinement. Elle provient du fait que nous avons passé le printemps et l’été à revenir progressivement au jeu en suivant les consignes de nos associations. Tout allait bien et, soudainement, vous rendez cette décision apparemment à l’improviste, à la dernière des dernières minutes, et ce, en empiétant sur les compétences de votre collègue Isabelle Charest et en faisant abstraction de tous les progrès réalisés sans incident majeur lié au COVID-19 au cours de l’été.

Nous ne sommes pas cavaliers, encore moins lorsqu’il s’agit de la santé des jeunes sous notre charge, et nous ne réclamons pas le droit de faire perdurer la saison coûte que coûte. En revanche, nous avons ajusté nos façons de faire aux exigences de la santé publique et avions réussi un retour progressif au jeu avant votre annonce. Nous avons fait un important travail de réflexion afin de disputer la saison la plus sécuritaire possible. Nous sommes prêts.

Tout ce que nous vous demandons, c’est une chance.

Sincères salutations,

Alexandre Turp

Entraîneur au football scolaire

Réflexions sur le complotisme

Je vous avouerai être content de ne pas faire l’école de journalisme dans notre climat actuel, dans cet univers d’absence de responsabilité personnelle que sont les médias sociaux et dans un monde nettement plus polarisé que celui dans lequel j’ai été formé. La situation est d’autant plus désespérante que le COVID-19 a donné encore plus de temps libre à passer sur les médias sociaux à des gens qui en avaient apparemment déjà beaucoup trop.

Si détestable que soit notre époque à bien des égards, elle représente une belle occasion pour la jeune journaliste de réfléchir à ses piliers référentiels ou, pour le dire autrement, à la validité des connaissances et des références à partir desquelles elle réfléchit aux événements qu’elle couvre, et à comment elle les couvre. Je pense notamment au sujet du complotisme, qui devrait, au moment où on se parle, représenter une occasion en or de se réapproprier et de réaffirmer les principes fondateurs de notre épistémologie. Au lieu de cela, étant donné que nos glandes surrénales sont trop grosses et que notre lobe préfrontal est trop petit, on assiste surtout entre des querelles opposant les complotistes aux #sheeple sur les médiaux sociaux.

Hormis la quasi-uniformité ordurière des conversations sur Facebook, Twitter et al., le phénomène du complotisme commence à attirer sérieusement l’attention, et pour cause. L’état d’esprit dans lequel doit se trouver celui qui se laisse tenter par les théories complotistes est difficile à imaginer pour quelqu’un qui y résiste. On le conceptualise jusqu’à un certain point, mais l’empathie n’est pas aisée à ressentir pour la personne qui tente de comprendre un individu qu’elle considère complotiste. À l’école de journalisme, on nous répétait ad nauseam l’importance d’avoir un bon « bullshit detector ». Si je n’ai pas entendu cette expression 100 fois, je ne l’ai pas entendue une fois. Et on comprend rapidement pourquoi lorsqu’on passe pour la première fois en interview quelqu’un qui gagne sa vie dans le domaine des relations publiques. Le « BS detector », donc, doit être non seulement affuté, mais rapide; le bon follow-up ne sert à rien s’il nous vient en tête 20 minutes après l’interview. Pour M. et Mme Tout-Le-Monde, il est aussi utile dans plusieurs contextes, notamment dans celui de la participation démocratique.

Que penser du complotisme, donc? Pour moi, le vrai complotisme (que l’on doit distinguer de la simple mauvaise foi de l’individu prêt à mettre de l’avant n’importe quel argument pour « gagner le débat ») est essentiellement une maladie auto-immune du « bullshit detector ». Il provoque le mauvais fonctionnement d’une faculté utile et nécessaire, c’est-à-dire l’esprit critique, et la transforme en doute irrationnel qui prend souvent pour cible les consensus que l’on espère les moins controversés. Son côté le plus traître est le fait que le complotiste a l’impression de faire partie du groupe d’exception qui « voit clair », qui comprend réellement ce qui se passe. Il est souvent difficile à contredire, non pas parce que ses arguments sont sans faille, mais parce que son épistémologie est irréconciliable à celle de ses opposants. Avant de poursuivre, il importe de dire ceci : les complotistes existent; ils ont pratiquement toujours tort (je dis « pratiquement » parce que, comme nous le rappellent les anglos, même une horloge brisée donne la bonne heure deux fois par jour), mais ce terme ne devrait pas être utilisé à tort et à travers pour tenter de discréditer la personne avec qui on peine à se mettre d’accord. Le prix à payer en polarisation de notre société est élevé lorsqu’on distribue cette épithète de façon excessive.

« J’ai fait mes recherches », ou l’importance de réhabiliter la réputation de l’expertise

Cela dit, il faut pouvoir nommer les choses comme elles sont. Les faits ne se préoccupent pas de nos sentiments. Le complotisme est bien réel et a le potentiel d’être dangereux. Les complotistes votent (du moins, ils ont le droit de vote) et il suffirait vraisemblablement que certains politiciens croient leur nombre assez important pour avoir l’impression qu’il pourrait être payant politiquement de les conforter dans leurs croyances mal avisées.

Le complotisme ne doit pas être encouragé, cela va de soi, mais comment le décourager?

Il y a lieu de se demander, tout d’abord, si les médias sociaux empirent le phénomène du complotisme ou ne font que le montrer au grand jour. Si la bonne réponse est la seconde, il est probable qu’il n’y ait pas grand-chose à faire; les complotistes existeront toujours, si rares soient-ils. Si, cependant, internet contribue à décomplexer les complotistes et aide à en créer d’autre, nous devons tous contribuer à notre façon à une quête extrêmement importante : la réhabilitation de l’expertise.

Au Québec et au Canada, on aime croire que l’on vit dans un pays où l’anti-intellectualisme est moins présent et résilient qu’aux États-Unis, là où il prospère. Je ne sais pas si nous avons raison de croire cela, mais nous devons en tout cas lui mener une lutte sans merci. Au moment où j’écris ces lignes, j’estime, et je ne crois pas me tromper, que nous avons, pour la plupart, entendu la fameuse phrase « j’ai fait mes recherches ». De prime abord, cette expression, dans le contexte où elle est employée ces jours-ci, éveille si rapidement l’« insult comic » en nous qu’il faut souvent nous dompter, sous peine de sombrer dans un échange d’injures. Une fois le civisme préservé, toutefois, les questions que soulèvent cette ânerie sont bien réelles : quelles recherches? Où? À partir de quelles sources? Quels critères mènent notre interlocuteur à juger qu’une source est fiable?

Pour les gens de mauvaise foi, la source sera fiable si le propos s’aligne avec les croyances de l’individu qui cherche simplement à « avoir raison ». Fox News serait mort de sa belle mort et OAN, le poste qui donne à Fox News des airs de BBC, n’aurait jamais existé sans le bon vieux « biais de confirmation ». Chez le vrai complotiste, toutefois, on constate souvent une telle méfiance envers les autorités et les experts qu’elle le mène à adopter des positions sans cesse plus inusitées. Souvent, pour lui, plus une idée est farfelue, plus elle est plausible. Considérons simplement, le temps d’un instant, la tenace croyance que la Terre serait « plate » ou, pour le dire autrement, un disque et non une sphère. Pour croire cela en 2020, il faut rompre en visière avec une expertise d’un volume et d’une crédibilité inouïs. Et cette obstination est d’autant plus impressionnante, dans le pire sens du terme, que le complotiste la justifiera en se référant à des publications/vidéos YouTube d’une inconcevable stupidité qui carburent à la pseudo-science la plus éhontée.

Alors, comment peut-on croire une chose pareille, sinon parce qu’on choisit de rejeter l’ensemble de la connaissance scientifique aujourd’hui disponible? Cela dit, il importe de se référer à la notion de dérèglement de l’esprit critique ici. Pour avoir parlé à un « flat earther », il fut rapidement question du fait que des intellectuels, sans compter des organismes comme la NASA, ont besoin de justifier leur existence… Ce n’est pas faux. Il est vrai que le fait d’avoir une existence à justifier explique parfois certaines prises de position de certains experts. Les complotistes n’ont pas tort de le souligner mais, encore une fois, le doute irrationnel les mène à croire que les experts ne réfléchissent qu’en fonction de leurs intérêts/affiliations, ce qui n’est pas vrai non plus.

Bon, après, une croyance comme celle des « flat earthers » est peut-être la plus farfelue, mais ce n’est probablement pas la plus dommageable. Pour ma part, j’ai beaucoup moins peur des « flat earthers » que des fameux « antivax », qui font valoir que les vaccins sont inefficaces et/ou qu’ils causent l’autisme chez les enfants. Peu importe combien d’experts se penchent sur la question et concluent que ces idées ne sont que foutaise, les antivax persistent et signent. Ils testent aussi les limites de la liberté de croyance et de la liberté de choix. Il était déjà difficile de réconcilier le droit fondamental à la vie et la sécurité de la personne avec, par exemple, le refus des témoins de Jéhovah de recevoir des transfusions sanguines. Cependant, les antivax poussent cela plus loin, car leurs croyances menacent non seulement leurs enfants, mais ceux des autres. Quand on entend la communauté scientifique parler d’un retour potentiel de la variole, considérée éradiquée depuis plusieurs décennies maintenant, il est difficile d’escamoter la responsabilité des antivax. Nous avons donc ici un exemple d’une théorie complotiste qui peut mettre en péril la santé physique des individus, notamment d’enfants. Tout ça parce que des « sources » soi-disant « sérieuses » feraient la preuve que les vaccins causent l’autisme. N’importe quoi. Encore une fois, nous avons la chance d’avoir un système de formation académique et professionnelle qui produit de véritables experts. Nier leur crédibilité, rejeter leurs conclusions sous couleur d’esprit critique n’est pas seulement stupide, mais dangereux. Et ce danger n’est pas observable que dans le domaine de la santé.

La route vers l’autoritarisme

Ces derniers temps, au Québec, on tente de savoir quoi faire de nos « anti-masques ». Certes, le masque est emmerdant à porter, mais la plupart des gens font un pari un brin pascalien : s’il est inutile, alors on s’est claqué le désagrément de se trimbaler en métro et en autobus avec un bout de tissu au visage; si, en revanche, il est utile, on évite de se transmettre le COVID-19 par voie de « gouttelettes ». En ce qui a trait au port du masque, la simplicité de l’analyse coûts/bénéfices n’a d’égal que l’asymétrie du résultat.

Et pourtant, pourtant…

Les motifs d’opposition au masque sont multiples, mais un en particulier retient mon attention : la décision d’imposer son port serait de nature dictatoriale. Là encore, il y a lieu de retenir nos élans sarcastiques. Nous devrions toujours garder l’œil sur nos gouvernements afin, entre autres choses, de décourager les raccourcis qui iraient à l’encontre de nos principes démocratiques. Jusque-là, pas de problème. En revanche, il faut un esprit critique désaxé pour voir dans l’imposition momentanée du port du masque dans les commerces et les transports en commun une dérive dictatoriale.

Où est le problème? Mieux vaut être trop prudent que pas assez, non? En soi, c’est vrai, mais cette tendance à trouver un côté antidémocratique à une mesure exceptionnelle mais assez « soft » comme le port du masque s’accompagne souvent d’une tendance à regarder d’un œil naïf des mesures nettement plus antidémocratiques, comme le PL-61, avec lequel le gouvernement Legault promet de revenir à la charge cet automne. Les anti-masques qui appuieront ce projet dès qu’ils entendront l’expression « relance économique » (et je soupçonne qu’ils seront tristement nombreux) n’ont tout simplement pas les priorités à la bonne place.

Encore une fois, le point de départ est un exercice potentiellement intelligent de l’esprit critique qui nous mène à internaliser la vérité suivante : les gens mentent; les gens de pouvoir mentent beaucoup. Un certain scepticisme est de mise pour que la pression populaire constitue un contre-pouvoir efficace. En revanche, lorsque ce scepticisme est déréglé, il nous rend plus à risque de commettre une erreur potentiellement fatale, c’est-à-dire la mise en danger de nos institutions démocratiques. À cet effet, le livre On Tyranny : Twenty lessons from the Twentieth Century, de l’historien américain Tim Snyder, me hante. Un passage en particulier me semble pertinent ici (ma traduction) : « Ce sont nos institutions qui nous aident à préserver notre décence. […] Les institutions ne se protègent pas elles-mêmes. Elles tombent l’une après l’autre à moins que chacune soit défendue dès le début. » (Snyder, 2017, p. 22)

L’emploi de raccourcis intellectuels tels que « je ne fais confiance à aucun politicien » ou « ce sont tous des menteurs » peut sembler inoffensif, une simple manière d’exprimer la frustration. Cela risque toutefois de nous mettre dans un état d’esprit vulnérable aux beaux discours d’un démagogue spécialiste des solutions simplistes aux problèmes complexes. On aurait tout avantage à se rappeler des bons côtés de notre système politique, indépendamment de ses (nombreuses) imperfections, et à se souvenir qu’un des plus précieux atouts dont peut se doter une société est la transmission d’une culture politique axée sur le respect de principes démocratiques. Ce n’est pas une garantie de succès. Certains individus élevés dans des régimes totalitaires viennent à saisir l’importance des principes démocratiques. En contrepartie, certains enfants de la démocratie en viennent à voir la liberté qui l’accompagne comme une nuisance (voir Trump, Donald). Néanmoins, la logique suggère que les gens formés pour être démocrates seront les plus à même de défendre les institutions démocratiques et, par conséquent, la démocratie elle-même.

Les anti-masques s’autoproclament souvent les défenseurs de la liberté mais, à travers leurs publications bidon sur les soi-disant méfaits du masque, s’attaquent régulièrement à un prérequis sine qua non de la liberté, la vérité. Encore une fois, les écrits de Snyder sont perçants (à nouveau, ma traduction) :

Abandonner les faits, c’est abandonner la liberté. Si rien n’est vrai, personne ne peut critiquer le pouvoir parce qu’il n’existe aucune référence pour le faire. Si rien n’est vrai, tout est spectacle. Les portefeuilles les plus épais achètent les lumières les plus aveuglantes. […] On se soumet à la tyrannie lorsqu’on renonce à la différence entre ce qu’on veut entendre et ce qui est vrai. Ce rejet de la réalité peut sembler naturel et plaisant, mais son résultat est la fin de notre individualité – et donc de tout système politique qui repose sur l’individu. (Snyder, 2017, p. 65-66)

Voilà qui est bien terrifiant, mais vrai. Et l’histoire, ne serait-ce que celle du XXème siècle, regorge d’exemples qui suggèrent que les individus ayant un rapport trouble avec la réalité sont plus à risque de se laisser séduire par les démagogues aux tendances totalitaires. Après tout, les écrits de Mussolini parlent carrément du triomphe de l’instinct et du sentiment aux dépens des faits empiriques. Peut-être pouvons-nous parler là de pulsion de mort civilisationnelle, dans la mesure où la démocratie, qui dépend d’un électorat informé pour survivre, serait menacée par une minorité qui se maintient à la fois volontairement et à son insu dans l’ignorance.

En toute vraisemblance, nous nous sommes tous déjà moqués d’un complotiste. J’ose même dire que certains le méritent. Il serait tentant de considérer les complotistes comme étant purement des « punching bags » pour notre sarcasme, d’autant plus que leur principale réfutation des accusations de complotisme se résume essentiellement à affirmer que le terme est une fiction de l’esprit, l’antonyme de #sheeple, destinée à discréditer les opinions contraires. Rien de bien convaincant. Toutefois, j’espère avoir fait la preuve qu’ils sont plus que cela et que, bien que plusieurs d’entre eux soient des hurluberlus franchement déplaisants qui correspondent aux pires clichés de l’inculte invétéré, nous devons démanteler leurs idées décisivement étant donné le danger qu’elles représentent. Laissés à eux-mêmes, les complotistes contribueront de manière importante à la déliquescence de nos institutions démocratiques et faciliteront l’érosion de nos libertés, tout en se présentant comme les champions de la liberté. Quelle cruelle ironie, qui leur passe 10 pieds au-dessus de la tête, comme tant d’autres choses, d’ailleurs!

Relations Legault-médias: en eaux troubles

Alors… mon ancien prof de journalisme à Concordia et journaliste à The Gazette Aaron Derfel tweetait aujourd’hui qu’il avait appris que le Premier Ministre du Québec l’avait bloqué sur Twitter. Mise en situation: Derfel est très actif sur son compte Twitter, où il publie essentiellement un thread par jour dans lequel il fait état des nouvelles de la journée en lien avec la situation du Covid-19. Il se livre à une analyse/comparaison en profondeur du spin gouvernemental par rapport à la réalité sur le terrain, dont il prend le pouls en faisant son travail et en exploitant son réseau de contacts. Il le fait même lorsqu’il n’a pas un article qui paraît dans l’édition quotidienne du journal. Les gens qui m’ont formé à Concordia appeleraient cela “faire sa job”.

Quand la remarquable columniste Chantal Hébert a appris la nouvelle et l’a retweetée en apposant simplement un point d’interrogation, le Premier Ministre lui a répondu ceci: “Quand un “journaliste” me “tague” plus de 10 fois sur Twitter en disant que je mens…” (le tweet se trouve assez facilement, mais je refuse de le republier ici). Fascinant, quand même, de voir comment on peut inclure autant d’éléments problématiques dans un tweet aussi court. D’abord, il y a quelque chose de méprisant et d’inquiétant dans le fait qu’il mette le mot “journaliste” entre guillemets. C’est un manque total de respect mais, pire encore, cela laisse planer l’idée que les seuls journalistes dignes de ce nom sont ceux qui ne bousculent pas trop le gouvernement dans ses campagnes de relations publiques. J’ai été rassuré de voir que professeur de droit de l’Université Laval Louis-Philippe Lampron n’a pas manqué de le souligner.

De plus, je suppose que personne ne devrait se surprendre du fait qu’un Premier Ministre à la tête d’un parti politique qui constitue essentiellement un projet de vanité de sa part réagisse à des questionnements contrariants comme un enfant de 7 ans qui se voit privé de dessert. On dira ce qu’on veut des politiciens à l’éthique douteuse qu’on a eus par le passé, mais il me semble qu’ils avaient la couenne un peu plus dure que cela. Comme disent les anglos, “if you can’t stand the heat…” Mentionnons aussi que c’est joli de la part du PM de mentir éhontément dans un tweet qui lamente qu’un journaliste l’accuse de mentir. Si vous fouillez tous les tweets de Derfel, vous n’en trouverez aucun qui contient une telle accusation. Il a déjà contredit le PM à la lumière de ce que ses sources sur le terrain lui avaient rapporté mais, ça, encore une fois, c’est un journaliste qui fait sa job. Un journaliste qui n’ose pas dire que “le roi est nu” n’est plus un journaliste, c’est un sous-traitant en relations publiques. Il y aurait d’ailleurs lieu d’interpeller les tribunaux pour leur demander d’empêcher nos politiciens de bloquer les journalistes, comme cela fut fait aux USA avec Donald Trump.

Je crois toutefois que ce qui me consterne le plus, c’est de voir comment les partisans de Legault (parce que nous sommes en droit d’appeler ainsi certains individus qui le défendent bec et ongles sans faire de tri dans la validité des critiques) accusent quelqu’un comme Aaron Derfel, qui conserve son impeccablement son impartialité dans l’exercice de ses fonctions, de vouloir favoriser les Libéraux. Voyez-vous, ça, c’est le prix qu’on paie quand on encourage un gouvernement qui emploie le playbook trumpiste en matière de relations avec les médias. On ne saurait assez le répéter: on est ici dans la joute démocratique, pas au Centre Bell. Quand un fan de hockey réaliste dit qu’on est peut-être un peu rapides à dire que “#ÇaSentLaCoupe“, et qu’on lui répond “tu dois être un fan des Bruins, toi”, c’est d’une paresse intelletuelle morbide mais, dans le contexte de la partisanerie sportive, c’est assez inoffensif et ça passe. C’est même pratiquement de bonne guerre. En revanche, quand on applique ce calibre d’analyse disons, moyen, à (!!!) la gestion d’une pandémie, c’est toxique. Tout le monde “prend pour le gouvernement” dans une gestion de pandémie. Personne ne souhaite rester confiné, ne pas pouvoir travailler, rester coincé à longueur de journée avec des pestes en bas âge qui auront probablement raison de quelques ménages dans les prochains mois. Tout le monde veut que le gouvernement gère bien cette crise et qu’on puisse revenir à s’obstiner sur ce que devrait être la taille de l’état-providence. Je ne devrais pas avoir besoin de rappeler ça.

Et, avant qu’on m’accuse de quoi que ce soit, je suis le premier à penser que ça ferait du bien aux Libéraux d’être privés du pouvoir pendant un bon bout de temps, mais pas comme ça. Pas au sacrifice de l’esprit critique collectif si important pour garder le gouvernement en laisse. L’important, et ça, des visionnaires comme George Orwell ont (apparemment) vainement essayé de nous le faire comprendre, n’est pas CE QU’ON PENSE, mais COMMENT ON PENSE. Le tribalisme est un cul-de-sac pour l’intellect et la démocratie. Quand on s’y adonne, on tend à le voir partout, parce qu’on est incapable de s’imaginer que l’autre puisse penser non pas autre chose, mais autrement. Je ne suis même pas en train de dire qu’il faut sacrer la CAQ dehors aux prochaines élections, mais plutôt que si le PM continue à a) importer intellectuellement la réalité politique américaine en se comportant comme si on était toujours en campagne électorale et b) encourager le tribalisme de ses supporteurs parce que c’est pour lui la voie la plus sûre pour se faire réélire, il est de notre devoir de l’attendre avec un batte de baseball décoré de barbelés (sens figuré, bien sûr).

Mais ça, ce n’est pas Aaron Derfel qui nous le rappelerait. Il nous donnerait les faits et nous laisserait décider si Legault mérite le batte, comme tout bon journaliste.

#FreeAaronRodgers and other draft thoughts

It’s now been a week since the first round of the NFL Draft, and surely one of the biggest shockers was Green Bay selecting Utah State quarterback Jordan Love in the first round. Oh, the irony… I suppose Aaron Rodgers should be at least somewhat thankful that he had a career good enough to be in a position to be replaced, in a few years, as the franchise guy of the team that drafted him. On one level, the Love move makes sense, to the extent that the team doesn’t wish to go through any period of quarterback hell. However, be that as it may, the move has still generated some significant backlash and, spoiler alert, I’m about to join in.

Very slight tangent: I don’t usually watch ESPN’s First Take before it truly does feel like shameless spectacle, in which different sports media personalities (mostly Stephen A. Smith, especially since the departure of Skip Bayless) get “fake” worked up for the sake of shock value on TV about several topics, many of which they’re not really qualified to talk about, if at all. That said, for the first time in a long time, as I listened to Smith, a big Aaron Rodgers guy, I found myself nodding in agreement: “He should feel disgusted, he should feel insulted and, as far as I’m concerned, if I was Aaron Rodgers, I’d ask to be traded. The hell with all of them, kick rocks, have a nice life. I’ll move on without you. That’s how I fell Aaron Rodgers should feel.”

Pretty much, and I’m not saying this because I think that this is not the time to start working on the aftermath of Rodgers’ career as a Packer. That bit makes sense, but it’s crazy to think that, coming off an appearance in the NFC Championship Game, you’re already looking to “reloading” for the future. So these days, sports fans have little to do but to watch “The Last Dance” documentary about the last year of Michael Jordan’s Bulls, who were dismantled prematurely by bitter GM Jerry Krause. This situation feels somewhat like that.

Our boy Stephen A. was fuming about the “fact” that the Packers had not, he said, drafted an offensive player in the first round since Aaron Rodgers in 2005. In typical Stephen A. fashion, this is not exactly true (Green Bay did draft Iowa tackle Bryan Bulaga, whom they just lost in free agency, in the first round of the 2010 draft) but, in this case, it might as well be true. The Pack have not taken a skills position player in the first round since Rodgers indeed. Can’t seem to stop drafting defensive linemen and defensive backs and then letting them go, but give Rodgers impact help in the first round, they have quite simply never done it. I can’t think of a single potential Top 10 all-time quarterback who has been given less to work with by his organization. It’s criminal.

And again, Rodgers will turn 37 during the season, provided there is one. There’s nothing wrong with looking at your options but, for Christ’s sake, look at the state of affairs in Green Bay from last season. They got to the NFC championship game by getting lucky with the emergence of a big-time player at running back (Aaron Jones) and by having Rodgers make a collection of Burger King employees look passable at receiver (obviously, I exclude the excellent Davante Adams from this statement, but he was injured for part of the year). You’re probably a piece or two away from being a legitimate Super Bowl contender, and you’re going to draft nothing, skill position-wise, but a power running back? Rodgers is right to be irrate. Oh, and by the way, this would also not have been a bad time to go to their usual M.O. of drafting defensive linemen, because that front three stinks aside from Kenny Clark.

Head coach Matt Lafleur gives everyone, myself included, the impression that he can’t wait to be rid of Aaron Rodgers, who, for cap hit reasons, is said to be untradable before 2021. Well, Matt, be careful what you wish for, because your boy J-Love is not a sure thing, and when he steps in, he might make you look more like Zac Taylor than like Sean McVay. #FreeAaronRodgers indeed…

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How ’bout them Cowboys? They committed high-end robbery by snatching Oklahoma WR Cedee Lamb at pick 17 and had an overall really good draft, picking Alabama CB Trevon Diggs in the second round and Oklahoma NT Neville Gallimore in the third, two high-value picks. I’m usually not the fondest of Jerry Jones, but he aced this draft. Which brings us to Dak “$34 million is not enough to provide for my family” Prescott.

I side with players in contract disputes with organisations. They are the ones whose bodies take the punishment (mind you, quarterbacks these days…) and careers are perilously short. However, sometimes, players should worry less about getting absolutely every possible penny now and more about preserving their ability to earn more in the future. I know they’re not quarterbacks, but look at LeVeon Bell and Melvin Gordon, and what holding out for more money did for them. Neither wound up getting paid significantly better than they would have been by re-signing with their original team, and both wound up on “sinking ship” teams (or, in the case of the Jets, “Sunken”) with crappy offensive lines. How’s that for hurting your potential earnings?

So Dak “$34 million is not enough to provide for my family” Prescott should take this into consideration while pondering his next move. You’ve developed a nice relationship with Amari Cooper, who’s just gotten paid to catch more passes from you. Despite losing Travis Frederick to retirement, your offensive line is still one of the league’s best. You have RB Zeke Elliott, also taken-care-of financially, to take pressure off you. Now, the team has just drafted stud receiver Cedee Lamb and has him for five years of rookie contract earnings. And you’re going to walk away from that? Why? To join some talent-bereft dumpster fire of a team whose organisation doesn’t know what it’s doing just because they’re willing to throw a few extra dollars at you? How do you like your odds of success in such a situation, and how much will your next contract be worth? Dak should not fool himself into thinking he can succeed anywhere under any circumstances. Very, very few quarterbacks can. Sure, Dak should get every possible penny out of the Cowboys, but he should be quite determined to stay in Dallas, because the supporting cast there is as good as he’ll get, and it’s a way to protect the next contract along with the one he’s about to sign.

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Many people are busy talking about Cardinals’ head coach Kliff Kingsbury’s crib, and it’s very fetching indeed, but I’m more interested in the fact that his squad is in position to be so far ahead of the curve in terms of roster construction that it’s not even funny. The 2019 Cardinals were not very talented, yet they could move the ball on anyone. The addition of WR DeAndre Hopkins, whom the Texans were kind enough to gift-wrap in exchange for Arizona’s worst contract, might allow them to finish drives, which would suddenly make them very scary.

Now, with this draft, they’ve added a franchise building block in LB/safety/whatever you want guy Isiah Simmons out of Clemson. Simmons is the quintessential modern non-defensive lineman, a player who can line up virtually anywhere on defence and be a productive player. To assign him a position doesn’t tell the full story, and so to have a player such as Simmons, who never has to leave the field regardless of the situation, is a real asset for a defence that needed it badly.

You also have to like the value of adding Houston offensive tackle Josh Jones in the third round. Jones was expected by most analysts to go in the first round, or the early second at the latest. Instead, Arizona gets a guy who has the feet to handle fast edge rushers in the NFL in the third round. David Bakhtiari aside, that’s rare.

They added two interior defensive linemen who bring size to an undersized front, and keep an eye on Arizona State RB Eno Benjamin. I was quite fond of him as a player, and he fits what Arizona does offensively. I like his ability to contribute and spell Kenyan Drake, who blossomed last season in that pro Air Raid offence that coach Kliff Kingsbury likes to play. I don’t know if Arizona is ready to compete for top spot, or even a Wild Card spot, given the quality of the division, but I expect them to be even harder to beat and to snatch a few more victories along the way.

Five and Five

I thought I’d add a little reading material to keep in mind before and after the draft. You guys can paste me with these if I’m wrong. Here are five guys I like more than everyone and five guys I like less. Enjoy.

Five guys I like more:

  1. Tee Higgins, WR, Clemson: So the guy is a 6-4 deep threat who spend three years roasting college football, and you’re going to rank him behind all these other guys? Maybe you won’t catch him running too many crossers, but a guy with that height, deep speed and ball skills? Yes, please. I won’t be surprised if he turns into a Deandre Hopkins-like big play guy.
  2. Josh Uche, Edge rusher, Michigan: He’s undersized for most people’s taste, but I really like the on-field product. Uche is explosive and his motor is always running, which is why I think it’s rather tragic for him that he didn’t get a pro day to truly showcase his skills. I think whoever gets him in the 2nd or 3rd round is getting a steal if they have any clue how to use him.
  3. Antoine Winfield Jr., Safety, Minnesota: I was a big fan of his dad, and while Jr. is not quite as fast as the old man, he’s the same kind of fearless competitor with a piss-n-vinegar, honey badger mentality. If we have a re-draft, is Tyrann Mathier a first-round pick? I think there’s a good chance. And I suspect that we may be saying the same thing about Winfield Jr. down the road. Wherever and whenever he winds up going, I love the pick already.
  4. Clyde Edwards-Helaire, RB, LSU: I understand people do like him, but I’m in “if he’s the first back taken, I’m cool with it” territory. The second we get to round 2, I say he’s fair game. In today’s NFL, I’ll take a hard-to-tackle bowling ball type with good speed and serious receiving ability. So he’s not a 25-carry workhorse; in today’s NFL, who is? Let’s see how long Jonathan “already got a million miles on him” Taylor lasts if you give him that kind of workload.
  5. Cole Kmet, TE, Notre Dame: I keep hearing “not in the first round,” and all I can think about is Rob Gronkowski. Am I making the prediction that Kmet is the new Gronk? Maybe not, but I won’t be surprised if he is, as the similarities are eerie. And just so we keep it in mind, the Pats are picking at 23. Let’s see everybody jump on the bandwagon then.

Five guys I like less:

  1. Derrick Brown, DT, Auburn: Don’t get me wrong, I think Brown is very good and plenty worth going in the upper half of the first round. But when I hear people talk about him in the same breath as Chase Young and Isiah Simmons, it’s a bridge too far for me. I’m an ex-NT, so I don’t mean to devalue my position but, if I’m picking a DT in the Top 10, I need him to be a problem as a pass rusher for the offence. I don’t see the elite twitch from Brown that typically allows tackles to be dominant pass rushers. He strikes me as a one-technique, albeit a very good one. However, DaRon Payne, who went 12th overall, is the highest I’m willing to go for a guy like that.
  2. C.J. Henderson, CB, Florida: He’s a tremendous athlete and excellent in coverage, but he’s not physical and, in modern football, that’s a problem. He’ll see enough “Now” and “Bubble” screens to sink into him depression until he develops something resembling a mean streak. I’m not saying stay away, but I worry about that with him. Plus, he’s a Gator, so eff him. #GoNoles
  3. Mekhi Becton, OT, Louisville: My eyes opened up big time when I saw his combine numbers. He is very athletic for a guy his size. But I still worry. We haven’t seen a guy this heavy really make it as a high-end starter/All-Pro candidate in a long time. The dude is still 364 freaking pounds. You can be super athletic for that size, but it’s still a hell of a load to move around when you’re trying to stop bendy troublemakers like Von Miller from turning the corner.
  4. Yetur Gross-Matos, DE, Penn State: Physique aside, I just don’t see it with this guy. You can point me to his college stats all you want, but I pop on the tape, I’m not crazy about what I see. The impact plays are too few and far behind, I see too much dancing with offensive linemen, and there are not nearly enough clean wins around the edge for me to start daydreaming about him becoming a franchise pass rusher. The dude makes Ezekiel Ansah look consistent. Again, he’s a “getting off the bus” All-American, but the on-field product is a late 2nd-early 3rd-rounder to me.
  5. Justin Herbert, QB, Oregon: So this may feel like cheating because Herbert is recognized as one of the draft’s most polarizing prospects. Still, I have to put him there in the context of him likely being drafted in the Top 10. There are a lot of tangibles (size, arm strength, mobility) and intangibles (super smart) to like. However, the lack of accuracy of intermediate-to-deep balls is worrisome, as are his lack of touch and suspect decision making. I’m nervous for the team that picks him in the Top 10.

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