Seconde lettre au Ministre Roberge

Monsieur le Ministre Roberge,

Je repensais récemment au moment où le Premier Ministre a annoncé qu’il entendait permettre que le sport scolaire reprenne plus tôt que vous ne l’aviez prévu, faisant passer la date de début des activités du 1er octobre au 14 septembre. Il avait même qualifié cette décision de « risque calculé ».

Ma question est la suivante : M. Legault était-il sincère?

Je la pose parce qu’à la vue de votre nouvelle directive empêchant une équipe sportive scolaire de prendre part aux compétitions prévues à son horaire tant que son école en question se trouve sur la liste gouvernementale d’établissements scolaires où l’on recense un cas de COVID-19, elle me semble pertinente.

Le milieu du coaching partage votre souci de la sécurité de nos jeunes. C’est la raison pour laquelle nous œuvrons de manière à rendre la pratique du sport la plus sécuritaire possible en cette période de pandémie. Toutefois, à mes yeux (sans parler, j’ose le croire, de la majorité de la communauté des entraîneurs sportifs du Québec), cette directive n’est pas le genre de mesure que prend un gouvernement qui est prêt à donner une chance à ses jeunes étudiants-athlètes de pratiquer leur sport et n’est pas conséquente étant donné les conditions dans lesquelles on demande à nos jeunes de suivre leurs cours.

Rappelons d’abord qu’après la permission de reprendre graduellement les sports extérieurs en juin (avec déclaration à l’appui de votre collègue Isabelle Charest à l’effet que les jeunes ont besoin de bouger), vous avez attendu jusqu’à la rentrée pour interdire la pratique des activités sportives scolaires jusqu’au premier octobre. Ensuite, M. Legault s’en est mêlé et a réduit de moitié le délai d’attente, mais vous nous arrivez maintenant avec cette nouvelle directive qui a toutes les allures d’une interdiction par la bande de prendre part à nos compétitions.

Laissons un instant de côté la montagne russe émotive que vous faites vivre inutilement aux jeunes et aux intervenants. Laissons aussi de côté le « deux poids, deux mesures » flagrant que vous vous entêtez à maintenir, pour des raisons que vous évitez scrupuleusement d’énoncer, en permettant au sport associatif de poursuivre ses activités tout en mettant bâton après bâton dans les roues du sport scolaire. Concentrons-nous plutôt sur le fait que, même si l’on tolère la zone des prises mouvante que constituent les critères auxquels vous dites vous fier pour décider du sort du sport scolaire cet automne, cette directive ne tient pas la route.

Les sports sont-ils sans risque sur le plan du COVID? On s’imagine que non, mais il est quand même frappant d’observer le contraste entre l’attitude de votre gouvernement en ce qui a trait au déroulement des cours en classe et quant au sport. Considérons, par exemple, le fait que vous permettez, tant qu’il y ait deux mètres entre le professeur et la première rangée de bureaux en classe, que personne (ni le professeur ni les élèves) ne porte le masque dans une classe bondée et somme toute peu aérée. Voilà qui va à l’encontre de ce qu’il y a de plus élémentaire comme considérations de sécurité dans le contexte de cette pandémie. L’idée qu’un sport qui se pratique dehors à l’air libre représente un plus grand danger de contracter le virus que des cours suivis dans un contexte classique fait pour le moins sourciller. On tolère que les défis logistiques du fait de repenser notre manière de dispenser l’enseignement en classe aient raison de nos soucis de sécurité, mais la pratique d’un sport extérieur où les entraîneurs et autres intervenants ont repensé leurs éducatifs en fonction du respect des consignes sanitaires serait trop risquée? Et comment justifier, en vertu de ce même souci de sécurité, le fait de n’imposer aucune contrainte semblable au sport associatif, sachant que les équipes civiles sont composées de jeunes de plusieurs écoles et qu’en cas d’éclosion, le point de départ serait nettement plus ardu à cerner? Le tout n’a simplement aucun sens.

À la lumière de cela, la gestion de ce dossier par votre gouvernement ne fait pas que s’apparenter à de l’improvisation et trahir une profonde incohérence; elle est carrément cruelle. Nos jeunes s’investissent émotivement dans le sport comme dans peu de choses et souffriraient déjà beaucoup de ne pas pouvoir le pratiquer sans que ne s’ajoute à cela leur difficulté à suivre la logique de vos volte-face multiples. L’objectif d’assurer leur sécurité est louable, mais c’est une manière bien singulière de le faire que de les forcer à suivre leurs cours dans les conditions actuelles tout en imposant des restrictions aussi importantes et démoralisantes à la pratique de leur sport. Personne ne revendique le droit de disputer sa saison à n’importe quel prix, mais si vous partagez véritablement la vision du risque calculé énoncée par le Premier Ministre, permettez aux équipes sportives dont l’école recense un cas de COVID-19 de continuer à prendre part à ses compétitions pour autant que la personne affectée ne fasse pas partie de l’équipe. Une jeunesse entière, leurs entraîneurs et leurs parents en seraient reconnaissants, à vous et à votre gouvernement. Il n’est pas trop tard.

Sincères salutations,

Alexandre Turp

Entraîneur de football scolaire

Lettre au ministre Roberge

J’enverrai aujourd’hui cette lettre aux adresses courriel du ministre Roberge en lien avec la mise sur glace des sports interscolaires.

M. le ministre Roberge,

Je vous écris cette lettre en mon nom seulement, mais je soupçonne que je pourrais parler pour beaucoup de mes collègues entraîneurs.

La décision de votre ministère d’interdire la pratique des sports scolaires jusqu’au 1er octobre ne tient tout simplement pas la route, affectera inutilement les étudiants-athlètes du Québec et la santé des programmes sportifs de nos écoles. Je soupçonne que plusieurs vous auront déjà mis au fait des impacts négatifs du fait de priver nos jeunes athlètes de leur sport mais, de toute évidence, certains rappels sont nécessaires.

Dans certains milieux, le lien entre pratique sportive et persévérance scolaire n’est plus à établir. Plusieurs jeunes, notamment les garçons, s’accrochent à l’école grâce au sport. À défaut de pouvoir s’adonner à cette compétition, certains quitteraient l’école et plusieurs autres réussiraient nettement moins bien leurs études. Pour plusieurs de mes amis entraîneurs, à leur tâche de nature purement sportive s’ajoute un volet de travail social qui transforme pour le mieux la vie de nombreux athlètes sous leur charge. Chaque jour, le sport protège des jeunes de mauvaises influences qui les mèneraient autrement à de mauvais choix de vie. Chaque jour, le sport donne à des jeunes qui se croient limités par des circonstances moins qu’idéales une arène dans laquelle les transcender. Il faut se rendre coupable d’aveuglement volontaire pour ne pas voir les bénéfices du sport sur le développement et la santé mentale de nos jeunes. En plus, étant donné le confinement qui a forcé les Québécois à passer une partie de leur hiver et leur printemps cloîtrés chez eux, le contact humain et l’activité physique intrinsèques au sport font aux jeunes le plus grand des biens.

Alors, pourquoi cette décision? Je ne vois qu’une raison possible : la santé de nos jeunes. Eh bien, parlons-en de la santé. L’interdiction des sports interscolaires trahit une inconséquence de la part de votre gouvernement en ce qui a trait aux risques que vous acceptez de faire courir aux Québécois, notamment aux jeunes.

D’une part, vous forcez leur retour à l’école dans des conditions qui semblent plus hasardeuses que n’importe quel entraînement ou match de sport à l’extérieur. Locaux bondés de nombreux élèves (souvent plus de 30), ni masque obligatoire ni distanciation sociale entre les élèves en classe, la nécessité semble vous imposer la conclusion que ce risque est acceptable. De plus, une lecture furtive des médias québécois permet de savoir que plusieurs écoles du Québec frisent l’insalubrité (sans compter le fait que, dans plusieurs de ces établissements, la qualité de la ventilation, élément dont l’importance pour éviter la transmission de la Covid-19 revient de plus en plus souvent, reste à prouver). Le fait d’exiger de nos étudiants qu’ils suivent des cours (et que leurs professeurs les donnent) dans de telles conditions est une curieuse façon de se préoccuper de leur santé. Si vous avez entre les mains des études montrant que le sport sur un vaste terrain extérieur serait malgré tout plus dangereux que le fait d’étudier dans ces conditions, merci de les rendre publiques. Et je vous épargne le long éditorial sur l’illogisme de refuser à nos jeunes de pratiquer leur sport alors que votre gouvernement insiste pour permettre aux bars de rester ouverts, donnant ainsi l’occasion à une quantité inouïe de cégépiens et d’universitaires de contracter le virus, nonobstant les restrictions qu’impose votre gouvernement aux propriétaires de ces établissements.

D’autre part, soyez-en assuré, si vous interdisez la pratique des sports interscolaires, vous n’empêcherez pas les jeunes de pratiquer leur sport, mais seulement de le pratiquer en représentant leur école et en tirant profit des infrastructures scolaires. Je me permets de citer l’exemple de mon sport, le football. À certains endroits en province, on travaille sur des ligues ad-hoc. À Montréal, le football civil a repris ses activités sans la moindre réaction de votre ministère et il y a fort à parier que plusieurs joueurs qui ne pourront disputer la prochaine saison avec leur équipe scolaire choisiront plutôt le football civil. Pourquoi préjudicier ainsi le sport scolaire alors que la consolidation études-sports ne se fait mieux nulle part ailleurs qu’à l’école? Pour faire un parallèle avec notre droit, dans les faits, le lien rationnel entre l’annulation du sport interscolaire en automne et la visée d’assurer la sécurité des jeunes fait défaut.

Peut-être vous interrogez-vous sur les raisons de la forte réaction à votre annonce. Elle n’émane pas du refus de l’impossibilité de ne pouvoir disputer la saison d’automne 2020; nous y pensons depuis le début du confinement. Elle provient du fait que nous avons passé le printemps et l’été à revenir progressivement au jeu en suivant les consignes de nos associations. Tout allait bien et, soudainement, vous rendez cette décision apparemment à l’improviste, à la dernière des dernières minutes, et ce, en empiétant sur les compétences de votre collègue Isabelle Charest et en faisant abstraction de tous les progrès réalisés sans incident majeur lié au COVID-19 au cours de l’été.

Nous ne sommes pas cavaliers, encore moins lorsqu’il s’agit de la santé des jeunes sous notre charge, et nous ne réclamons pas le droit de faire perdurer la saison coûte que coûte. En revanche, nous avons ajusté nos façons de faire aux exigences de la santé publique et avions réussi un retour progressif au jeu avant votre annonce. Nous avons fait un important travail de réflexion afin de disputer la saison la plus sécuritaire possible. Nous sommes prêts.

Tout ce que nous vous demandons, c’est une chance.

Sincères salutations,

Alexandre Turp

Entraîneur au football scolaire

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